Protection sociale des frontaliers

 

Les faits

Pour des raisons budgétaires concernant l’État et la Sécurité sociale, le gouvernement a décidé de modifier le système de protection sociale des frontaliers . Gain escompté : 400 millions d’euros l’an prochain, plus de 500 millions en année pleine.

La mesure consiste à mettre fin plus tôt que prévu à un régime dérogatoire, qui devrait prendre fin le 31 mai 2014, et qui permet aux Français ayant un emploi en Suisse d’avoir un choix de cotisation pour leur couverture maladie, appelé « droit d’option ».

– Soit ils cotisent à l’assurance maladie helvétique, ce que très peu font (7 %) car elle coûte cher,

– soit ils choisissent un autre moyen de couverture. Ils ont alors le choix entre :

-cotiser à l’assurance maladie française,

– ou alors souscrire une assurance privée.

Quelque 14 000 travailleurs frontaliers seulement (10 %) ont choisi de cotiser à l’assurance maladie en France, à un taux de 8 %, prélevés sur leur revenu fiscal de référence (sur la partie dépassant les 9 000 euros par an). Étant donné que le salaire moyen net mensuel d’un Français employé en Suisse est de 3 200 euros, la ponction mensuelle est pour eux d’environ 200 euros.

La plupart des frontaliers (84 %) ont préféré prendre une assurance privée, française ou suisse, qui sélectionne les risques mais dont la prime mensuelle revient moitié moins cher. L’assurance privée est d’autant plus intéressante que l’on est jeune, en bonne santé, célibataire et avec un bon revenu !

Quand ils vieillissent ou sont malades, ils prennent alors l’assurance française.

Le projet du gouvernement est d’aligner les frontaliers sur les autres assurés sociaux français, au nom toujours de la fameuse équité…. Cela signifie que non seulement ils ne pourront plus souscrire une assurance privée (s’ils ne cotisent pas en Suisse) mais qu’ils pourraient progressivement cotiser à l’assurance maladie française à hauteur de 13,55 % (taux global de la cotisation maladie en France). Dans l’immédiat c’est un taux de 8% qui est fixé pour les frontaliers.

Plusieurs remarques

1) Peut-on admettre de changer de système d’assurance au gré des risques, c’est-à-dire souscrire une assurance privée à bas coût et faible protection quand on est jeune et en bonne santé et repasser ensuit, en cas de maladie lourde ou de vieillissement, à l’assurance publique française, sans y avoir versé de cotisations ? Non. La CGT s’est ainsi clairement prononcée pour l’impossibilité de changer de système de protection en cours de route. Oui au droit d’option, non au droit de changer d’option.

2) Mais encore faut-il que les salariés ne soient pas trop poussés à choisir les assurances privées les moins protectrices. C’est qu’en effet, pour les salariés travaillant en France, sur la cotisation au taux moyen de 13,55 % la part du salarié est minime (0,75 %) par rapport à celle dite de l’employeur (12,80 %). Tandis que les frontaliers seraient amenés à payer, eux, l’intégralité de la cotisation

Ainsi l’équité mise en avant par le gouvernement est donc une fausse équité

3) Le problème provient de l’accord de libre circulation des travailleurs entre la Suisse et la France ( qui vient d’être remis en cause par la votation sur les quotas d’immigration)qui prévoit ce droit d’option, lequel a permis à quantité de sociétés d’assurance privée de se créer (il y aurait 4 à 500 emplois menacés par la disparition de ces agences et la perte de pouvoir d’achat liée à ces disparitions. Il s’agit d’un accord traversé par l’idéologie libérale pour la circualtion des travailleurs (non protégés du dumping salarial, voir texte sur les quotas d’immigration)) comme pour la protection sociale : concurrence entre les systèmes de protection sociale, avec introduction du privé qui permet de sélectionner les clients et faire baisser les prix.

Conclusion

La position qui paraît raisonnable est de dire :

1) Non au droit de changer d’option en cours de route

2) Encouragement à choisir le système de protection public, en ne faisant pas payer aux salariés la part patronale de l’assurance en France, ce qui implique une négociation avec les autorités suisses pour permettre :

– de faire payer au moins en partie le patronat suisse

-de choisir le lieu de soin (souvent plus pratique en Suisse compte tenu des horaires).

Ces salariés ont été éduqués, formés en France, mais ils produisent des richesses en Suisse : cet avantage dont bénéficie la Suisse doit comporter des contreparties, dont celle-là. Cela implique que l’Etat s’en mêle, au lieu de se contenter de les racketter sans négociation avec la Suisse. C’est le contraire du libéralisme. On ne doit pas laisser se développer les oppositions entre travailleurs français et suisses comme en témoignent le climat malsain des  échanges virulents sur les réseaux sociaux.

Il existe une convention entre la France et le Luxembourg qui prévoit l’inscription du salarié frontaliers au système de protection public luxembourgeois, quel que soit son lieu de soin, plus protecteur parce qu’il date des années 50 ! Pourquoi ne pas s’en inspirer pour la Suisse ?