Métropoles : une concentration politique au service de la concentration financière

 

1) La méthode

A quelques mois de l’élection municipale, et avant même de prendre connaissance des amendements parlementaires à la loi de décentralisation (dont le débat se clôt le 10 décembre), on nous demande  de nous engager sur une nouvelle structuration intercommunale. Il y a visiblement de la précipitation, et la volonté de ne pas porter le débat devant les citoyens, dans le cadre de la campagne municipale, alors qu’il s’agit de questions importante de démocratie locale.

2) Sur le fond

La création de pôles métropolitains se veut le pendant de la création contestée de métropoles, afin de tenter de compenser les déséquilibres territoriaux introduits par les métropoles, dont l’objectif est de concentrer les richesses, les services, quitte à désertifier ce qui est hors métropole, afin d’élever la rentabilité du privé dans  une logique de concurrence européenne et mondiale entre les territoires, la fameuse « compétitivité et attractivité ».

En réalité,  les pôles métropolitains vont présenter les mêmes défauts que les métropoles sans  pour autant compenser leurs effets déséquilibrants.

– Contrairement à ce qu’on nous dit on n’est pas dans la  simplification du mille feuilles institutionnel puisqu’on rajoute une strate.

-Contrairement à ce qu’on nous dit, ce n’est pas une nouvelle décentralisation, mais une  nouvelle concentration des pouvoirs, qui s’éloignent toujours plus des citoyens.

Même l’Association des Maires de France(AMF) s’en inquiète : à propos des métropoles , elle dénonce « l’accumulation de mesures visant à la suppression programmée des communes par leur dilution dans de nouvelles collectivités intercommunales » et  met en garde contre « la vision dogmatique qui considère comme un progrès d’éloigner les citoyens de leur collectivité de proximité ». 

« Notre pays a-t-il vraiment besoin de collectivités territoriales supplémentaires ? »se demande-t-elle.  Pour l’AMF, « ces mesures, mises bout à bout, conduisent à fragiliser les communes et les maires, alors même qu’ils sont des points de repère importants pour les habitants, notamment les plus fragiles, et assurent une fonction de proximité indispensable au « vivre ensemble ». Oserons-nous rappeler que ce lien entre le citoyen et le maire se concrétise à chaque élection municipale par des taux de participation plus élevés que pour les autres scrutins locaux ? ».

-On nous répondra sans doute que le processus de création des pôles métropolitains est moins autoritaire que celui des métropoles puisqu’il exige l’accord des collectivités concernées. Mais une fois le transfert de compétences réalisé dans des domaines aussi importants que l’enseignement supérieur et la recherche, l’action économique, les transports et la santé, il y aura bel et bien concentration des pouvoirs et mainmise technocratique accrue.

-En fait, cette réorganisation territoriale est mise en place pour camoufler et s’adapter à une vague violente de désengagement de l’État, qui était vivement critiquée par les municipalités de gauche lorsque les gouvernements étaient de droite.  Les dotations d’État aux collectivités pour les trois ans à venir vont être réduites de 4 milliards et demi, et il s’agit d’amener les collectivités à rationaliser, regrouper des services publics locaux, ce qui veut dire une nouvelle ère de régression sociale, aggravant encore les fractures. Il est illusoire de croire que les pôles métropolitains seront aussi bien dotés que les grandes métropoles que l’on veut lancer dans la fameuse « compétition mondiale », alors que le contexte général est celui d’une baisse de 4,5 milliards de dotations sur les 3 années qui viennent, mais il est absolument certain que ces restructurations vont laisser de côté nombre de zones périphériques, qui deviendront des « trous noirs » de l’aménagement du territoire.

-On est donc dans une conception ultralibérale de l’organisation territoriale, dont le logiciel est celui de la concurrence totale entre les territoires, sur fond de réduction générale de dépenses publiques, pour le plus grand bien des puissances financières. Cette conception est d’ailleurs rappelée par commission européenne, dans sa dernière recommandation concernant le budget de la France du 29 mai 2013, où il est écrit : « Il est impératif que les dépenses publiques qui concernent non seulement l’administration centrale mais aussi les administrations des collectivités locales et de la Sécurité sociale, devraient indiquer comment améliorer encore l’efficacité des dépenses publiques. Il est également possible de rationaliser davantage les différents niveaux et compétences administratifs afin d’accroître encore les gains d’efficacité et les économies. La nouvelle loi de décentralisation devrait traiter de cette question. » Il y eu des périodes où la majorité municipale de Belfort se montrait plus rétive à l’alignement sur les standards de la commission européenne… !

-Le projet présenté est une usine à gaz, dont la seule utilité décrite par rapport au SMAU, qui reste l’outil opérationnel, serait de pouvoir émarger au contrat de plan état région et aux fonds européens, et d’apporter des fonds : c’est illusoire, parce que le  contexte d’austérité ne le permettra pas, et que le regroupement est au contraire fait pour réduire les dépenses publiques.

-La réforme territoriale qui se dessine bouleverse en profondeur notre organisation territoriale : le pilotage croissant par les régions, avec en perspective l’Europe des régions et l’effacement des états, l’effacement des départements et des communes au profit de regroupement métropolitains, c’est l’équité territoriale et l’unicité de la république qui sont mises en cause : à la concurrence entre territoires et aux inégalités croissantes, nous opposons la coopération, la solidarité et l’implication des citoyens, qui suppose que les l’intercommunalité soit conçue comme une libre association  construite à chaque fois sur des projets, dont la conception associe étroitement les citoyens.